Commentaire. Albert CAMUS - « Retour à Tipasa » (L'Été, 1954)

Publié le par Nobody

Albert CAMUS - « Retour à Tipasa » (L'Été, 1954)


     Quelques années après la guerre, lors d'un voyage en Algérie (dont il était originaire), Albert Camus retourne visiter les ruines romaines du village littoral de Tipasa, qu'il avait aimé et célébré quinze ans plus tôt, comme un lieu « habité par les dieux ». Il évoque ici l'impression renouvelée que fait sur lui la solennité du site.
     Sous la lumière glorieuse de décembre, comme il arrive une ou deux fois seulement dans des vies qui, après cela, peuvent s'estimer comblées, je retrouvai exactement ce que j'étais venu chercher et qui, malgré le temps et le monde, m'était offert, à moi seul vraiment, dans cette nature déserte. Du forum jonché d'olives, on découvrait le village en contrebas. Aucun bruit n'en venait : des fumées légères montaient dans l'air limpide. La mer aussi se taisait, comme suffoquée sous la douche ininterrompue d'une lumière étincelante et froide. Venu du Chenoua, un lointain chant de coq célébrait seul la gloire fragile du jour. Du côté des ruines, aussi loin que la vue pouvait porter, on ne voyait que des pierres grêlées et des absinthes, des arbres et des colonnes parfaites dans la transparence de l'air cristallin. Il semblait que la matinée se fût fixée, le soleil arrêté pour un instant incalculable. Dans cette lumière et ce silence, des années de fureur et de nuit fondaient lentement. J'écoutais en moi un bruit presque oublié, comme si mon cœur, arrêté depuis longtemps, se remettait doucement à battre. Et maintenant éveillé, je reconnaissais un à un les bruits imperceptibles dont était fait le silence : la basse continue des oiseaux, les soupirs légers et brefs de la mer au pied des rochers, la vibration des arbres, le chant aveugle des colonnes, les froissements des absinthes, les lézards furtifs. J'entendais cela, j'écoutais aussi les flots heureux qui montaient en moi. Il me semblait que j'étais enfin revenu au port, pour un instant au moins, et que cet instant désormais n'en finirait plus.
    
      Albert CAMUS - « Retour à Tipasa » (L'Été, 1954)
       


Plan.

I. La fête des sens.

a) Un paysage vu d’en haut.
b) La qualité du silence.
c) Interaction des sens.

II. Le bonheur retrouvé.

a) La quête récompensée.
b) La pérennité du paysage et des sensations.
c) L’humanisme d’Albert Camus.


Commentaire.
    

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